Qui mais qui ?

Réaction au film de Gabriel Rahbi Dette, crise, chômage. Qui crée l'argent?

Publié le 10 mai 2014 par Julien Béranger

Qui crée l'argent? La question est simple. La réponse l'est aussi : ce sont nos amis banquiers qui créent de la nouvelle monnaie à partir de rien quand un contrat de crédit est signé. Facile. Cette réponse ne suffit pas à décrire toute la magie du système à réserve fractionnaire. Ses subtilités doivent être expliquées dans le détail. Gabriel Rabhi a récemment mis en ligne un outil redoutable : le film s'appelle Dette, crise, chômage : qui crée l'argent ? C'est le genre de support dont rêvaient sans doute beaucoup de profs pour expliquer les choses aux élèves d'aujourd'hui. Il faudra bien mettre en place ensemble des solutions qui tiennent la route, alors autant qu'ils soient au courant de ce qu'il se passe.

On a du mal à comprendre pourquoi un jeune adulte qui sort du système (carcéral?) scolaire n'a aucune idée du processus de création monétaire. On parle de quelque chose qu'on utilise tous les jours, on parle d'argent presque tous les jours. Pourtant, personne n'est capable d'expliquer d'où ça vient, qui décide de quoi, etc. Quel scandale! Ce manque cruel d'informations fiables devait être comblé de toute urgence. Tout le monde n'a pas le réflexe du hacker débordant de curiosité et assoifé de connaissance du monde. Jeune ou vieux, Il n'est jamais trop tard pour apprendre.

Et puis d'ailleurs, c'est une demande forte de la part des élèves eux-mêmes : ils veulent savoir ce qu'il y a derrière ce fameux argent que leurs parents, frères et sœurs doivent « gagner » à tout prix. Je me souviens d'une de mes profs d'Histoire-Géo balayer ma question d'un revers de main : il fallait qu'on « avance dans le programme », qu'on « recopie » des conneries pour mieux s'habituer à exécuter sans trop l'ouvrir. Elle n'en savait probablement rien elle-même. Mentir aux élèves n'est-il pas ce qu'il y a de pire ? Je suis né en 1983 et depuis le début, on me dit que l'économie « c'est trop compliqué », qu'il faut faire des études longues et chiantes avant de pouvoir seulement en parler... C'est tellement faux : l'économie, c'est la vie ! Dès qu'on en a expérimenté certains aspects, on a déjà une opinion à défendre, une part de décision à faire valoir.

En plus d'être une sorte d'exploit de clarté, le film est très bien découpé. L'exploitation en cours ou ailleurs est vraiment facile. On peut imaginer, par exemple, le visionnage d'un chapitre suivi d'un échange sur ce qui vient d'être expliqué, et, pourquoi pas, engager quelques recherches approfondies qui ne pourraient que confirmer le propos de l'auteur. Je serais curieux d'avoir des retours sur ce genre d'atelier. Il serait également intéressant d'obtenir, je ne sais sous quelle forme, quelques réactions officielles d'économistes patentés, les « pros », les fameux experts. Je les publierais volontiers ici-même !


Le banquier et les citoyens sur l'île est mon passage préféré...

Je crois qu'on ne peut que remercier Gabriel Rabhi pour ce beau travail de recherche, de mise en forme et de pédagogie. Depuis 2008, les systèmes d'échanges alternatifs poussent comme des champignons. Tout le monde peut créer le sien, c'est très facile. Le proposer à des gens qu'on ne connaît pas est une autre affaire... En tant qu'initiateur de projet, il est parfois décourageant d'expliquer les aspects les plus élémentaires du système monétaire actuel. C'est fatigant : les gens demandent quel est l'intérêt pour eux-même de faire partie d'un autre réseau que l'Euro et c'est bien normal. L'intérêt, le voilà : accepter une autre monnaie permet d'affirmer un certain nombre de valeurs que l'on porte de manière collective. Si on a vu le film, on comprend tout de suite ce premier argument.

Personnellement, j'adhère aux cinq différentes solutions évoquées à la fin du film. Et oui : rien n'empêche d'accepter plusieurs monnaies, c'est-à-dire faire partie de plusieurs réseaux. En quoi cela pose-t-il un problème ? Je suis prof de chinois et vous pouvez me payer dans la monnaie de votre choix : si je peux l'utiliser ou la changer facilement, ça me va! C'est l'occasion de faire preuve d'ouverture d'esprit et aussi de sens du service. C'est pourquoi j'estime qu'il n'y a pas de concurrence entre monnaies. Si Monsieur Ronchon n'accepte que la monnaie Ronchon, c'est dommage : il se prive de fabuleux échanges qui auraient pu avoir lieu. Il est libre de rester bloqué dans son utopie ronchonesque.

La façon la plus simple d'agir concrètement et tout de suite, c'est d'utiliser les monnaies alternatives qui sont déjà en circulation. Chacune a son mode de fonctionnement particulier. Il est important de savoir qui l'émet et qui la distribue. Après, il peut être utile de savoir ce qu'on peut acheter avec et si on peut l'échanger contre une autre, si oui laquelle, etc. Si on n'a pas goûté, on ne peut pas dire qu'on aime pas ! A mon humble avis, le passage d'une économie à l'autre est impossible si les acteurs, petits et grands, rechignent à essayer les alternatives à disposition. De l'Accorderie au Bitcoin, il y en a pour tous les goûts ! Il me semble qu'en matière de design monétaire, la modestie vaut plus que toute autre vertu. Et que ce soit clair pour tout le monde : la monnaie idéale n'existe pas.

@julienbrg

Commentaires

[No comment]


Envoyer un commentaire

Mail :

Nom :